[Film d’animation] Kaze tachinu / Le vent se lève

le vent se lève

Titre japonais : 風立ちぬ
Année de production : 2013
Licence en France : Buena Vista (Disney), sortie le 22 janvier 2014 au cinéma en France
Fiche : Animeka ; ANN

Depuis que je suis au Japon, je suis allée très peu de fois au cinéma. Parce que c’est cher (1800 yen le prix normal), et parce que ça n’est pas dans mes priorités (c’est pas que j’aime pas ça, c’est plutôt qu’on peut pas tout faire ! ^^). Quand Kaze Tachinu est sorti dans les salles, je me suis évidemment dit qu’il faudrait que je le voie étant donné que j’ai vu presque tous les Ghibli sortis en France au ciné. Mais ce n’est que la fameuse annonce de la « retraite de Miyazaki » qui m’a rappelé que ça serait trop dommage de louper ça sur grand écran (même si y’a de la marge question durée de diffusion ^^) et qui m’a décidée à prévoir la sortie pendant un weekend. Je ne savais pas du tout de quoi parlait le film avant de m’installer devant l’écran, j’avais juste vu l’affiche et je n’étais bien sûr pas étonnée que le titre comporte le mot « vent » ^^.

 

Kaze Tachinu nous plonge dans le Japon d’avant-guerre en nous racontant la vie de Horikoshi Jirô, N’ayant pu réaliser son rêve d’enfance de piloter un avion en raison de sa mauvaise vue, Horikoshi va se tourner vers la conception et devenir l’un des plus brillants ingénieurs aéronautiques dans les années 30. Le parcours du jeune homme qui a les yeux toujours levés vers le ciel sauf lorsqu’il regarde celle qu’il aime se mêle à de nombreux événements clés de l’époque.

Le scénario est basé sur le manga que Miyazaki a réalisé en s’inspirant librement du roman du même nom écrit par Hori Tatsuo, écrivain contemporain de Horikoshi qui a fréquenté la même université et que l’on voit apparaître dans le film. Le roman est disponible en français chez Galimard.

Si les traductions de titres d’oeuvres peuvent parfois être discutables, ici on ne peut absolument rien trouver à redire du titre français : c’est le titre japonais du roman/manga/film qui est au départ une traduction du français, plus précisément d’un vers d’un poème de Paul Valéry. Je n’ai pas fait de recherches détaillées, mais vu que Hori a traduit des auteurs français en japonais, on peut penser qu’il avait travaillé sur les oeuvres de Valéry. Mais pour en finir avec le titre, c’est assez étrange de se retrouver avec un film qui a le même titre que celui de Ken Loach, au sujet complètement différent ^^.

C’est un vrai délice de redécouvrir le Japon des années 20 et 30, que j’apprécie de voir reconstitué dans les feuilletons télé, sous le crayon de Miyazaki. Les paysages urbains grouillent de vie et de détails, on est dans le Japon du quotidien d’un passé pas si lointain. Ce n’est pas comme si on pouvait oublier avec ses autres oeuvres que Miyazaki était japonais, mais c’est aussi intéressant de le voir dessiner Tokyo telle qu’elle a existé qu’un étrange château mécanique, une ville de style italien ou des petites créatures de la forêt.

kaze tachinu

Kaze tachinu est certainement le plus « réaliste » de tous les films de Miyazaki : il se déroule dans notre monde, il est basé sur la vie d’un personnage réel, il ne comporte pas de créatures fantastiques comme c’est toujours le cas que l’histoire se déroule dans un monde imaginaire ou dans un monde au départ réel (je pense surtout à Totoro et Chihiro). Pourtant, l’empreinte du réalisateur est plus que jamais présente. Il y a d’abord toute une dimension non réelle dans Kaze tachinu, c’est celle des rêves de Jirô, dont l’ambiance est vraiment fascinante. Ensuite, les machines volantes et le ciel ont un rôle plus important que jamais, et on est obligé de penser à Porco Rosso.

Enfin, si Kaze tachinu se passe dans un milieu urbanisé et est plus centré sur la société humaine que les autres réalisations de Miyazaki, la nature ne manque pas l’occasion de pointer le bout de son nez d’une manière assez spectaculaire, et sa personnification est on ne peut plus parlante. J’ai trouvé que le couple formé par Jirô et Naoko était vraiment touchant. On ne les voit pas tant que ça ensemble au bout du compte, mais on sent vraiment leur tendresse et leur complicité. Quel que soit leur âge, le lien entre les deux personnages principaux est bel et bien un élément clé des scénarios de Miyazaki, et il montre toujours autant de sensibilité.

J’ai quand même vu un certain nombre d’oeuvres d’animation, qu’il s’agisse de séries télé ou de longs métrages. Je savais bien qu’en plus de la musique et des voix, sur lesquelles je vais m’arrêter juste après, il faut aussi des bruitages. Mais j’y avais rarement fait autant attention que dans Kaze tachinu. J’ai vraiment pris conscience du rôle qu’ils jouent dans l’immersion, du sens du détail apporté à la réalisation. Je ne pense pas forcément que ça soit justement ce film qui soit plus particulier que d’autres du studio Ghibli ou que d’autres longs métrages d’animation (parce qu’il n’y a pas que Ghibli), mais je tenais à le dire car il est clair qu’à l’avenir j’y ferais encore plus attention. Les bruits de machines, de pas, du moindre objet manipulé, de la ville pleine d’activité, c’est ça aussi qui construit un univers.

 

Si la musique de Joe Hisaishi est un peu une composante intégrante des films réalisés par Miyazaki, j’avais trouvé que le compositeur manquait un peu d’inspiration depuis Le Château ambulant ou Ponyo sur la falaise, et depuis il m’a aussi déçue dans une série télé historique.  J’avais donc été contente d’entendre autre chose pour les deux Ghibli plus récents confiés à d’autres réalisateurs (Arrietty et La colline aux coquelicots). Mais là Hisaishi est en grande forme. On reconnait toujours bien son style, mais la petite touche nostalgique et italienne fonctionne très bien.

La chanson thème du film est signée Matsutoya Yumi et n’est pas toute récente puisqu’elle date de 1973 (l’artiste portait encore son nom de naissance, Arai Yumi). Une chanson qui a 40 ans pour une histoire qui se passe il y a plus de 70 ans, je trouve ça vraiment chouette. Surtout qu’elle est très jolie.

 

Comme c’est toujours le cas pour les longs métrages d’animation, j’ai retrouvé parmi les doubleurs des personnages de Kaze tachinu plusieurs acteurs et actrices que je connais pour les avoir vus dans des séries télé. Mais pas pour celui qui double le personnage principal ! Il a une voix particulière, et je me suis demandé pendant le film si j’étais supposée le connaître. En effet, je ne le connais, mais pas pour sa voix ! Il s’agit d’Annô Hideaki, créateur de Neon Genesis Evangelion. Apparemment, il a travaillé sur l’animation de Nausicaa, je ne peux qu’imaginer qu’il connait Miyazaki et d’autres membres du studio Ghibli depuis un bail.

Pour les autres personnages, on retrouve par exemple Takimoto Miori (Hungry!) dans le rôle de Naoko et Nishijima Hidetoshi (Strawberry Night) dans celui de Hojô, collègue de Jirô qui va être à ses côtés lors de ses échecs et jusqu’à sa réussite. Shida Mirai (Seigi no Mikata) prête sa voix à Kayo, petite soeur de Jirô. Gamine boudeuse comme Miyazaki sait si bien les faire, elle va devenir une jeune femme surprenante.

Qu’on lui mette l’étiquette de dernier film ou pas, Kaze Tachinu est une très belle réalisation. Son histoire à la fois belle et cruelle met en évidence le paradoxe qu’il peut y avoir à réaliser un rêve, la contradiction terrible qui peut exister entre la beauté d’une réalisation technologique et son utilisation. C’est du moins le message que j’ai voulu en tirer, mais la présentation des faits et ce qui reste implicite peuvent donner une autre perception et la fin peut paraître encore plus indécise si l’on ne connait pas du tout l’histoire du Japon.

Si on peut regretter d’un sens que le film ne s’adresse pas à la fois à adultes et enfants comme la majorité des autres Miyazaki (le comique n’est pas non plus absent, mais il n’est pas vraiment visuel) il pourra au moins montrer à ceux qui pensent encore que l’animation est faite seulement pour les enfants qu’ils ont tort.

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