[LLDM #11] Charles R. Cross – Cobain unseen

cobain unseen

Ce livre publié en 2008 m’a été offert par une personne très bien placée pour savoir à quel point la musique de Nirvana compte pour moi puisque nous nous sommes rencontrées à l’époque où je l’ai découverte. Il a passé pas mal d’années sur mes étagères à Rouen puis à Tokyo avant que je décide de le lire, parce que je suis toujours bien occupée avec des romans et parce que je redoutais un peu l’effet de cette lecture, si on peut dire. Dernièrement, je me disais que je devrais lire plus d’ouvrages qui ne soient pas des romans de fiction, comme mon autochtone qui arrive toujours à lire trente six bouquins en même temps. Cobain unseen faisait donc un candidat idéal. Et puis depuis quelques mois, même un peu plus longtemps, on peut dire que l’ambiance était plus propice pour cette lecture : la trentaine qui avance trop vite et ma descendance font que je pense plus qu’avant à mes jeunes années, et quand je réécoute la musique de mes années collège et lycée, je réalise à quel point c’est loin. Enfin, l’année dernière, la mort des leaders de Soundgarden et Linkin Park ne m’a pas laissée indifférente même si je n’étais pas fan de ces groupes car cela m’a bien sûr rappelé Kurt Cobain. Et puis 2017 était également l’année où il aurait eu 50 ans, je n’ai pas pu m’empêcher d’y penser alors que Spitz a fait une tournée pour ses 30 ans de carrière et les 50 ans de ses 4 membres, eux aussi nés en 1967 (il y a un truc avec cette année, vraiment !). J’étais donc prête début 2018 à m’engouffrer dans une petite faille temporelle.

Charles R. Cross avait déjà écrit une biographie de Kurt Cobain parue en 2001 (Heavier than heaven), et c’est dans le cadre de la rédaction de cet ouvrage qu’il a eu accès aux affaires personnelles de l’artiste. Ses découvertes lui ont donné envie de montrer la vie de Cobain autrement, à travers ses collections d’objets, ses créations artistiques autres que musicales, ses journaux et des photos rares. C’est donc ce que propose Cobain unseen. Du coup, je n’ai pas trop pris les choses dans le bon ordre mais ça n’a pas vraiment d’importance, surtout après tant de temps. 

J’avais expliqué en gros dans mon billet sur l’Unplugged in New York , il y a plus de 8 ans, pourquoi Nirvana restait un groupe particulier pour moi mais je dois revenir un peu sur ce sujet. J’ai découvert Nirvana à 12 ans et quelque, soit plus d’un an et demi après la mort de Cobain. C’est ses chansons qui sont à l’origine de mon intérêt pour la musique, et aussi de mon intérêt pour l’anglais. C’est à ce moment où je suis sortie de l’enfance et où j’ai commencé à me poser des questions, à avoir conscience de moi-même. C’est à ce moment aussi que je me suis mise à raconter tout et n’importe quoi dans un journal intime. A cette époque sans Internet, l’accès à l’information n’était pas du tout le même. Je me souviens que j’achetais des magasines dont 90% du contenu était en fait des posters du groupe, dont je couvrais les murs de ma chambre. Les années passant, j’ai découvert d’autres groupes et j’ai moins écouté Nirvana, oubliant un peu la frustration à l’idée qu’il n’y aurait jamais, jamais d’autres chansons composées et chantées par celui qui était leur leader. 

La mort de Cobain a fait naître en moi une peur profonde du suicide. Même si je n’arrivais pas à mettre de mots là-dessus à l’époque, je pense que l’idée qu’on puisse vouloir mourir alors qu’on était capable de faire de la super musique et d’en vivre et qu’on était parent d’un tout jeune enfant était terrifiante. Je n’étais pas encore adulte, j’avais toute la vie devant moi, j’avais peur de comprendre pourquoi la vie pouvait se terminer comme ça. Je ne l’ai jamais pris pour un héros ou pour un modèle, j’adorais juste sa voix. Je me souviens du jour où j’ai entendu aux infos que deux fans de Nirvana de mon âge ou même plus jeunes, s’étaient suicidées parce qu’elles voulaient « rejoindre Kurt ». J’avais été vraiment choquée car je savais bien que ce n’était pas du tout ce qu’il voulait. Ca le faisait presque passer pour un gourou de secte qui manipulait encore ses fans depuis sa tombe. La réputation qu’il avait auprès de gens qui n’aimaient pas sa musique était déjà assez mauvaise. Je me souviens l’avoir entendu qualifié de sale drogué raciste, parce que oui, pourquoi pas, ça allait bien ensemble. 

cobain unseen

Les premiers chapitres de Cobain unseen sur l’enfance et la jeunesse de l’artiste ont des airs de voyage dans le temps, et c’est un peu normal vu que cela remonte maintenant à trente, quarante ans et plus. Comme je n’avais que 7 ans en 1990, je ne peux pas prétendre me souvenir même des années 80, et je n’ai bien sûr pas connu les années 70. Quand bien même, ça aurait été dans un pays différent, dans un milieu différent. Là, on est dans une petite ville du nord-ouest américain, bien loin de New York ou de Los Angeles et pas que question distance. Et même arrivé à la fin du livre, en 1994, ça fait bizarre de réaliser que c’était il y a quasiment un quart de siècle. Parce que cette époque, du coup, je m’en souviens. J’ai réalisé qu’il y avait plus d’une génération de passée depuis. Que parmi ceux qui ont aujourd’ui l’âge que j’avais à l’époque, ou même un peu moins jeunes, il y en a certainement beaucoup qui ne connaissent pas la musique de Nirvana et l’histoire du groupe (je ne leur demanderais pas d’apprécier hein, moi-même je n’arrive toujours pas à apprécier la musique antérieurs aux années 90, même si je sais qu’elle a inspirée celle que j’aime. Mais juste connaitre les noms).

Je savais que Cobain dessinait et que c’était son travail que l’on trouvait sur plusieurs pochettes de disques de Nirvana. Mais je ne pensais pas que le dessin, la peinture, les collages, la vidéo même, avaient eu une place si importante dans sa vie. Il en va de même pour ses journaux, le fait qu’il était en échec scolaire et n’avait pas terminé le lycée et la pauvreté dans laquelle il a vécu pas mal d’années. Le livre de Cross m’a également appris pas mal de détails sur les débuts de Cobain dans la musique, sur la formation de Nirvana et les débuts du groupe jusqu’au succès désiré qui a tourné au cauchemar. Je savais bien sûr que Cobain composait et écrivait les chansons du groupe, mais je ne pensais pas qu’il le dirigeait à ce point, je ne savais pas non plus que sa relation avec les deux autres membres s’était très vite détériorée et que le groupe aurait fini par se séparer rapidement. Et au bout du compte, ça parait évident car il n’y a qu’à compter les années, mais tout ça est passé tellement vite. A peine plus de deux ans et demi entre la sortie de Nevermind et avril 1994, c’est tellement court. 

L’état d’esprit dans lequel m’a mis le livre au cours de sa lecture était vraiment étrange. Chaque soir, j’avais hâte d’en lire à nouveau quelques pages pour me replonger dans son ambiance si nostalgique (le terme n’est pas forcément adéquat mais je n’en vois pas d’autre). Mais plus j’avançais. plus je redoutais d’arriver à la fin. Comme si je relisais un roman ou revoyais un film dont je savais la fin triste. Mais c’était moi qui avait décidé de lire de la non-fiction, et je savais bien que la façon dont l’histoire se termine ne changerait pas et que Kurt aura toujours 27 ans. Aujourd’hui, je suis plus âgée que lui, depuis déjà quelques années même. Aujourd’hui, moi aussi j’ai un enfant et cela m’a fait voir d’un regard particulier son enfance ainsi que sa relation avec sa fille. 

Il y a 22 ans, je ne savais pas ce que j’allais faire de ma vie et je n’aurais certainement pas imaginé celle que j’ai aujourd’hui. Je n’aurais certainement pas imaginé non plus lire ce livre et me rendre compte à quel point tout ça pouvait me toucher encore. Il y a 22 ans, mon adolescence aurait certainement été plus difficile sans la musique. Le monde a continué d’avancer, sans lui, sans plein d’autres gens. Je regretterai toujours de ne jamais pouvoir savoir ce que sa musique aurait pu devenir, surtout avec ma récente découverte. Aujourd’hui, plus que jamais, j’espère pouvoir passer le reste de ma vie sans avoir à faire face au suicide d’un proche. 

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