La musique après Spotify et le streaming

kawazu

Cela fait maintenant six mois que j’ai arrêté mon abonnement payant Spotify, puis progressivement cessé d’utiliser complètement l’application. J’avais déjà entendu que la plateforme rémunérait mal les artistes, mais quand j’ai appris que son CEO avait financé l’investiture de Trump et investi dans l’IA à but militaire j’ai décidé que ce n’était plus possible de payer tous les mois pour ça. Je pensais que j’avais commencé mon abonnement en 2018 ou 2019, mais en fait grâce au billet que j’avais écrit je me suis rendu compte que ça remontait à 2017. Plus de 8 ans après, alors que l’enthousiasme a laissé place à la désillusion, il m’a semblé intéressant de faire à nouveau le point. Avec une photo en tête de billet qui n’a rien à voir parce que je ne sais pas du tout quoi mettre d’autre :D.

En 2017, alors que j’étais encore super attachée au support physique, j’avais décidé de m’abonner à la plateforme parce que cela me paraissait la meilleure solution économiquement pour découvrir de nouveaux artistes de manière légale. Même s’il y a une très bonne offre d’occasion au Japon (heureusement car le neuf a toujours été cher), il faut dire que les CD ça finit par prendre de la place et qu’on peut toujours hésiter à acheter un album qu’on n’est pas du tout certain d’aimer. Au départ il n’y avait pas tout ce qui m’intéressait question musique japonaise mais l’offre de Spotify s’est bien élargie au fil du temps. Et puis c’est aussi l’offre de podcasts qui avait motivé ma décision de m’abonner. Avoir tout dans la même app c’est quand même bien pratique, il faut l’avouer.

Au départ, j’utilisais plutôt Spotify sur mon PC avec ma bibliothèque de MP3 en complément. Puis mes habitudes ont changé, je n’allumais quasiment plus mon PC quand j’étais à la maison donc tout se passait sur mon iPhone et du coup j’ai fini par me reposer uniquement sur le contenu offert par la plateforme. J’ai toujours continué à acheter les albums des artistes que j’aime le plus, même si du coup je ne les sortais même plus de leur boîtier pour les encoder comme je pouvais le faire avant. Ai-je découvert de nouveaux artistes ? Certainement. Mais ça, au final, je le faisais déjà avant avec Last.fm et le tracker bittorrent que j’utilisais pour la musique japonaise. Mais surtout, je me suis rendu compte que cette illusion d’abondance avait des inconvénients. Petits si pris un par un, certainement, mais ajoutés les uns aux autres ils montrent clairement que le streaming musical est très loin d’être une solution parfaite (et ça du coup c’est sûrement au moins en partie vrai pour d’autres plateformes mais je parle de celle que je connais !).

S’il y a des milliers d’artistes présents sur Spotify, il y en a par contre qui ne l’ont jamais été, ne le sont plus, ne le sont que partiellement (discographie incomplète) ou pas dans tous les pays. C’est un constat encore plus flagrant quand on parle de streaming vidéo, mais on ne contrôle pas ce à quoi notre abonnement nous donne accès. Par exemple, je n’ai jamais pu écouter la musique de Pink Martini. Est-ce le groupe lui-même qui a refuser de partager sa musique ? C’est bien possible et avec le recul, je ne peux pas leur en vouloir. Pendant toute la période où j’ai été abonnée à Spotify, il a toujours manqué un album de Travis sur la plateforme. D’abord Ode to J. Smith, puis quand il a enfin été dispo c’est Where you stand qui a disparu. Là encore, il y a certainement une raison légale à ça et je me doute bien que ce n’est pas un employé de Spotify qui a décidé de faire ça pour m’emmerder personnellement mais le résultat est le même : c’est exaspérant de ne pas avoir accès à un album qu’on a en CD alors que tout le reste de la disco du groupe est là !

Depuis que j’ai arrêté Spotify, j’ai entrepris de réencoder tous mes CD et de les mettre sur mon iPhone. Apple cache à peine que ça les fait chier qu’on veuille encore utiliser notre propre contenu car bien sûr ils préféreraient qu’on s’abonne à leur offre musicale, donc ça n’a pas été une mince affaire entre les app iTunes, Apple Music et Apple Devices, surtout avec mon usine à gaz de PC sous WIndows 11 (une autre longue histoire…). Mais quel plaisir de redécouvrir l’album Where you stand ! J’ai réalisé à quel point il m’avait manqué juste à cause de détails techniques à la con.

Moi qui adorais dans mes jeunes années découvrir une chanson rare de mes groupes préférés en tombant sur un single importé à la Fnac ou plus tard en le téléchargeant laborieusement avec une connexion 56k sur Napster (si y’a des gens qui me lisent j’ai dû perdre les plus jeunes XD), je me suis rendu compte aussi de ce côté-là que l’offre n’était pas non plus parfaite. Exemple concret ; il n’y a pas tous les singles des Smashing Pumpkins, dont un qui contient deux titres que j’aime beaucoup. Ca peut paraître rien du tout, mais au final je pense que chaque utilisateur qui a connu l’époque pré-streaming a une poignée de détails dans ce genre.

Et puis puisqu’on parle des Pumpkins, il se trouve que le 1er album qu’ils ont sorti après leur reformation n’est pas dispo. Pourquoi ? Parce que monsieur big ego Billy Corgan l’a décidé face aux mauvaises critiques. Dans ce cas précis, il s’agit seulement des humeurs d’un musicien un peu mégalo, mais c’est quand même une forme de censure et par les temps qui courent ce n’est pas trop difficile d’imaginer que ce soit d’autres genres de personnes que des musiciens qui décident de ce qui a le droit d’être sur une plateforme, surtout quand on sait qui est copain avec qui dans le monde merveilleux de la tech.

Je me suis rendu compte au final que si on a l’impression que ça coûte pas cher d’avoir accès à tant de musique, on se retrouve exactement comme un locataire qui malgré tant d’années à payer un loyer tous les mois n’est pas devenu propriétaire de son logement et se retrouve à la rue. Comme on était passé à l’offre familiale de Spotify, on payait 1200 yen par mois et même 1500 yen ou pas loin les derniers mois. Pendant huit ans. Combien j’aurais pu m’acheter de CD en tout ce temps, au lieu de me retrouver sans accès à tant d’albums après avoir arrêté mon abonnement ? A quoi ça me sert d’avoir accès à des centaines d’artistes que je n’écouterai jamais si je n’ai pas accès à tout ceux que j’aime déjà depuis des années ?

Et puis à quoi ça sert de payer une plateforme qui paie les artistes au lance-pierre ? Quand j’étais au lycée à la fin des années 90, j’étais une des rares à avoir un graveur CD. J’ai copié pas mal de CD pour les revendre à mon entourage (genre, 20 francs ?), je faisais ça bien avec la pochette imprimée et tout. J’avoue mon grand crime, il y a prescription je crois :D. A partir du milieu des années 2000, alors que le téléchargement illégal s’est développé à vitesse grand V grâce aux connexions devenues beaucoup plus rapides, les grandes maisons de disques et les autorités ont mis des dispositifs en place pour lutter contre les méchants pirates qui menaçaient de tuer l’industrie musicale. Aujourd’hui, les géants de la tech se font des couilles en or avec leurs offres de streaming en rémunérant super mal les artistes mais tout le monde s’en fout. Moi avec mes CD gravés ou mes albums de musique japonaise pas dispo en France téléchargés sur Bittorrent j’étais dans l’illégalité, eux non. Mais au final c’est qui les plus gros voleurs ?

Si on peut se réjouir que la musique soit globalement devenue plus accessible grâce aux services de streaming, j’ai l’impression qu’on a au passage pas mal perdu de la magie de l’époque lointaine om on devait se contenter des CD. On est passé dans le tout, maintenant, tout de suite. Là encore, c’est encore plus flagrant pour les séries où on nous balance toute une saison d’un coup au lieu d’un épisode par semaine, mais c’est le même esprit. Si je suis restée attachée au support physique, c’est aussi pour entretenir le souvenir du grand jour que représentait la sortie d’un album qu’on allait acheter en CD. Et si on peut dire que ce qui compte c’est le son et qu’un beau design ne rendra pas bon un album pourri, pour moi la pochette et le contenu du livret accompagnant un CD ont toujours été super importants. Maintenant, on a toujours une pochette bien sûr, mais si on se contente de la version non matérielle, tout le reste se perd. C’est un plaisir de redécouvrir ma propre collection de CD aussi pour ça, pour les livrets aux pages un peu chiffonnées des albums que j’ai le plus écoutés, pour les belles éditions aux pochettes en carton… Je me doute que c’est une question de génération, et même si je suis une millennial j’ai l’impression d’être un peu boomeuse dans l’âme sur ce coup mais dans le fond le problème c’est pas les générations qui n’ont pas connu l’époque des CD, c’est plutôt le capitalisme qui a transformé tout ce système en pompe à fric encore plus efficace qu’avant. Il y a qu’à voir comment Spotify a évolué au fil des années comme les réseaux sociaux où une publication sur deux quand on scrolle c’est une pub. J’ai halluciné sur ce que c’est la version gratuite, encore pire pour Youtube music que j’avais essayé. Quelques chansons entre des pubs, et un algorithme qui nous gave de trucs qu’on n’a pas demandé ? Mais en fait c’est juste pire que la radio XD.

Ha, et on en parle du mode aléatoire qui n’en a jamais été un ? J’ai toujours été fan du mode aléatoire du temps où j’avais un lecteur MP3, mais là ce fichu algorithme qui nous ressort toujours les chansons les plus écoutées et jamais les moins écoutées, et de finir par nous sortir des chansons d’autres artistes qu’on a pas du tout demandé quand on en skippe trop, c’est tellement rageant ! Maintenant que j’ai mis toute ma musique sur mon iPhone, même si l’interface d’Apple Music est franchement assez nulle, je kiffe d’avoir à nouveau un vrai mode aléatoire qui me sortira juste des chansons de MON contenu, et pas des chansons qu’un algorithme me dit que je dois aimer. Car même si je les aime effectivement, je suis assez grande pour les écouter toute seule quand je l’aurai décidé.

Comme je le disais plus haut, je ne peux pas prétendre ne rien avoir découvert sur Spotify, mais je me suis rendu compte que si je pensais que la plateforme m’aiderait à me faire une culture musicale en découvrant des classiques, surtout antérieurs aux années 90, au bout du compte ça n’a pas du tout été le cas. Et je me demande si c’est complètement personnel (beaucoup de temps à écouter des podcasts, utilisation de la musique déjà bien connue comme réconfort…) ou bien s’il y a au final aussi quelque chose dans le système qui m’a empêchée de m’aventurer plus.

Il ne faut quand même pas aussi que j’oublie de mentionner la malhonnêteté de Spotify au moment de ma résiliation. Je l’ai faite en juillet, et trois mois après l’autochtone s’est aperçu qu’on était encore débité. En fait, il y a une grosse faille dans le fonctionnement de leur offre famille : je m’étais connectée avec un compte secondaire (celui que mon fils utilisait) en oubliant que ce n’était pas le compte administrateur. Mais j’ai réussi quand même à avoir la page de résiliation, j’ai même reçu un email. Mais ça n’a rien résilié du tout. Le gars de l’assistance n’a rien voulu savoir, il nous a dit qu’il pouvait nous rembourser le dernier mois dans sa bonté infinie mais pas les trois mois. On aurait pu continuer le chat comme ça pendant des heures, il aurait rien lâché. Ils savent très bien ce qu’ils font, c’est style on reste aimable mais à partir du moment où on est un client perdu le but c’est juste de nous avoir à l’usure. Ou bien il y a déjà des gens qui ont passé trois jours sur le chat pour qu’on les rembourse ? On nous a proposé de nous faire un avoir utilisable quand on reprendrait notre abonnement. Hahaha. Jamais de la vie comme dirait Messire.

j’ai d’abord cherché une application qui remplacerait complètement Spotify, mais j’ai vite réalisé que pour mon cas précis, il n’en existait pas. Cela n’a pas de sens d’arrêter de donner mon argent à Spotify si c’est pour le donner à un GAMAM. Parce que si je veux une offre équivalente question musique japonaise c’est forcément ça. Je vais surveiller ce que donne Qobuz au fil du temps mais pour l’instant il leur manque trop de trucs dans ce que j’écoute donc ça ne vaut pas le coût de s’abonner.

Le projet pour l’instant, c’est donc… d’acheter des CD ! J’en a déjà eu deux à Noël, deux albums que j’aurais dû acheter depuis longtemps mais je ne l’avais jamais fait. C’était de l’occasion, donc je n’ai pas donné un yen aux artistes. Mais je n’ai pas donné non plus un seul yen à une grosse entreprise de tech fascisante. Je me suis fait une petite liste des CD qui me faisaient le plus envie et j’ai décidé de me fixer un budget mensuel pour les acheter. Genre, 1500 yen, le prix d’un abonnement Spotify ;D. Et je rêve que quelqu’un sorte un lecteur MP3 avec un écran tactile et une interface aussi bien fichue que Spotify mais qui se branche sur le secteur. Ca serait le rêve de ne plus dépendre de mon iPhone ou de tout autre appareil à batterie qui s’use !

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