[Cher journal #61] Mon mois d’avril 2022

Avril, le printemps, c’est le renouveau, le moment des changements et des nouveaux départs, tout ça. En cette année 2022, alors qu’on était dans notre nouvelle maison dans un nouveau quartier depuis dix jours avec encore plein de cartons et que Messire allait commencer l’école primaire, c’était bien ça ! Les températures ont fait un peu de yoyo et la grisaille et la pluie ont été souvent présentes mais toutes les fleurs du printemps étaient là pour mettre de la couleur dans notre nouveau paysage quotidien.

Je n’attendais pas grand chose de notre nouvelle cuisine et j’ai pu me rendre compte en effet que c’était pas possible de ranger autant de choses dans les placards. Le placard de la pièce à tatami est devenu une annexe pour ce qu’on utilise le moins souvent. J’ai mis beaucoup de temps à trouver comment occuper l’espace de manière optimale. Les fabricants de frigo japonais ayant la bonne idée ne ne pas faire de portes qui peuvent changer de sens, on se retrouve avec un frigo près d’un mur qui s’ouvre pas dans le bon sens. Vu qu’il est toujours trop plein je me disais une raison de plus de le changer et d’en prendre un plus grand mais en fait non l’emplacement est pas assez large et en plus les modèles plus grands sont aussi plus profonds donc ça gênerait aussi. Vive les cuisines en couloir où on se galère à pas se donner des coups de coude quand on veut y être à deux ! Faut croire que 2016 c’était encore trop tôt pour imaginer autre chose que bobonne toute seule aux fourneaux. Et même un des seuls trucs que je trouvais beaux esthétiquement s’est révélé être super décevant : l’habillage du comptoir façon brique, qui vient jusque sur le côté de la hotte. Mais qui descend tellement bas que je me cogne la tête dedans quand je suis au plan de travail dès que je penche un peu la tête en avant. Vu la largeur du plan de travail, vu que c’est au niveau du gaz c’est juste impossible à éviter. Oui je suis grande effectivement mais c’était quoi l’intérêt de faire un plan de travail plus haut que la moyenne si c’est pour mettre un truc comme ça ? Ce gâchis de nouveaux matériaux et cette absence de bon sens ça me fait vraiment rager. Et me parlez pas de la hotte super moderne qui se lance automatiquement quand on allume le gaz, alors qu’on n’en a rien à foutre si on met juste un peu d’eau à chauffer dans la bouilloire. Même désactivée elle fait des bip à chaque fois. Encore un truc conçu par un ingénieur ingénieux qui fait la cuisine tous les 36 du mois.

magnolia

Pour un autre aspect de la vie de shufu, le changement a été plus à mon avantage : à notre ancienne maison, le linge ça se passait dans ce qui devait être à la base la chambre des parents mais était en fait le bureau de l’autochtone. C’est une des deux pièces où il y avait un balcon et c’est donc là qu’une barre pour étendre le linge avait été installée, il y avait aussi un système de barre rétractable au plafond pour mettre le linge à l’intérieur en cas de mauvais temps et c’est en fait là que je préparais le linge avant de tout sortir car en plein été comme en plein hiver c’était plus pratique. Comme la machine à laver était au rez-de-chaussée il fallait monter le linge à l’étage, et quand l’autochtone est passé en télétravail à plein temps il fallait viser entre les réunions et autres appels téléphoniques.
Dans la nouvelle maison, le support pour installer une barre à linge à l’intérieur est dans la pièce à tatami, ce qui peut sembler étrange mais en fait logique vu qu’elle donne sur le jardin avec une porte-fenêtre. Et comme on a le luxe d’avoir de la place dans le jardin on a décidé d’installer de quoi y étendre le linge plutôt que de s’emmerder avec le balcon de notre chambre à l’étage. J’ai trouvé un super fabricant de barres à linge où on a pris des supports à barres avec chacun un poids de 20kg (pas de trop quand il y a du vent) pour le jardin, et une barre couleur cuivre pour l’intérieur. Quand le linge est dessus évidemment l’effet épuré de la pièce à la japonaise c’est un peu raté mais bon de toute façon y’a tout un bordel de jouets et même le congélo dedans vu que cette fois non plus c’était pas possible de le mettre dans la cuisine ni même dans le living vu la configuration de la pièce. Mais qu’est-ce qu’on a bien fait de l’acheter ce congélo !

Même si c’est pas là que je fais le gros des courses, j’ai été contente de voir que le supermarché à même pas 200m de nous était pas mal du tout, c’est une enseigne que je ne connaissais pas. Puis on a deux autres enseignes que je connais pas loin non plus. Ce qui était encore mieux c’est d’avoir un primeur presque aussi bien que celui de notre ancien quartier. Comme Messire quand il m’accompagnait bébé pour faire mes achats, cette fois c’est Duchesse qui n’a pas tardé à se faire repérer, surtout plus tard quand j’ai pu l’amener autrement qu’en porte-bébé. Le seul inconvénient de ce primeur (outre le fait qu’il ne fait pas non plus dans l’économie d’emballages plastiques) c’est qu’il se trouve au bord d’une de ces fichues rues sans trottoir où ça circule beaucoup. Là encore j’ai été bien contente d’avoir mon cabas de mémé à roulettes !
J’ai pu aussi me rendre compte rapidement que le Gyomu Super était carrément mieux que celui de notre ancien quartier. Le Gyomu c’est un supermarché pour les pros à la base mais tout le monde y va car c’est pas forcément des produits en gros. Et c’est aussi pas forcément des produits qu’on trouve ailleurs ou alors pas du tout au même prix, pour les fruits surgelés par exemple. Là j’ai vu que leur rayon fruits et légumes frais était beaucoup plus grand, donc tant qu’à faire d’avoir des produits pas locaux et pas bio, autant les prendre là. Je pense qu’ils ont des surstocks ou des produits hors calibrage pour certains fruits ou légumes.

On a aussi trouvé une boulangerie assez sympa, les pains ont quand même la croûte un peu molle à mon goût mais il y a du choix et pour le pain de mie c’est tellement mieux que le supermarché. Le seul truc qui manque vraiment en fait c’est une bonne boutique de tofu. Avant il fallait aller au quartier voisin, c’était même un des principaux objectifs avec la boulangerie juste à côté et ça valait franchement le déplacement, mais là du coup le plus proche est à pas loin de 2km sur la même fameuse rue que le primeur et j’ai toujours pas réussi à me motiver pour y aller voir ce que ça donne.

Le 8 avril 2022, c’était la cérémonie d’entrée en primaire de Messire. Je m’y suis prise légèrement au dernier moment pour savoir quoi porter. Il était hors de question que j’achète un truc qui me resservirait pas, je me disais que quand même vu qu’on avait choisi une école relax ça devait être plus relax aussi le dress code des darons. Il y en avait un peu pour tous les goûts en effet mais pour la plupart pas des vêtements de tous les jours c’est clair. Encore moins pour les enfants ! Certains avaient jusqu’au costume avec noeud papillon en mode culotte courte. Messire lui… il avait les mêmes vêtements que la photo ci-dessus, ses préférés à ce moment. Ben écoutez, c’est une école sans uniforme où on est supposé mettre en valeur l’individualité des gamins, j’allais pas me faire chier à le déguiser avec des trucs moches et chers qui resserviront pas :D.
Outre ces considérations vestimentaires exagérées, j’ai trouvé quand même ça chouette de marquer le coup d’un événement si important dans la vie des enfants. On y accorde peut-être trop d’importance au Japon, mais en France où on ne fait absolument rien de rien de la maternelle au lycée dans le fond c’est quand même bien triste vu le temps que les enfants passent à l’école. Je sens que la cérémonie de fin de primaire viendra toujours assez vite à ce rythme !

Le seul point pour lequel l’école a des exigences précises, c’est les chaussures d’intérieur et les chaussures de sport pour le gymnase. On était passé les chercher à leur boutique avant la rentrée. J’ai donc pu découvrir que des chaussures d’intérieur en toile blanche, ça ne reste pas blanc bien longtemps. Et que vu comment elles sont défoncées à la fin de l’année c’est pas étonnant qu’on n’en trouve presque pas d’occasion (c’est juste le cas où le gamin a eu une grosse poussée de croissance et les a portées qu’un mois XD).

Même si Messire est supposé faire le trajet vers et depuis l’école tout seul, pour moi surtout il n’en était pas question au départ. C’est pas le problème de se perdre, il connaissait la route avant la rentrée. C’est pas non plus que le problème de rencontrer des gens malveillants même si c’est pas du tout impossible. Je trouve qu’à six ans et demi ce n’est pas approprié. Surtout avec une partie du trajet dans une rue sans trottoir (une autre cette fois, où ça circule quand même moins mais où il y en a bien sûr qui ne se croient pas obligés de respecter les limites de vitesse, ils ont j’imagine de très bonnes raisons pour ça).
L’autochtone a pris en charge le trajet du matin, et moi celui du retour l’après-midi. Et franchement, c’était pas le meilleur moment de ma journée. Il se trouve qu’une camarade de classe de Messire fait une grosse partie du trajet avec lui, et que ses parents ont aussi jugé qu’elle devait être accompagnée (je dois dire que ça me rassure de pas passer pour l’étrangère maniaque). C’est à la fois bien et pas bien du tout. Je suis super contente s’il se fait de nouveaux copains et copines, être à plusieurs c’est mieux pour les mauvaises rencontres mais c’est plus de distraction donc plus dangereux par rapport à la circulation. Ca aide pas du tout à décider quand est-ce qu’il est prêt à se passer de notre présence, et si les parents de la copine continuent d’être présents et pas nous c’est un peu les rendre responsables de notre gamin donc c’est pas évident. Et surtout Messire traîne, arrête pas de raconter sa vie, n’entend même pas ce que je lui dis alors que moi je suis au bout de ma vie avec Duchesse dans le porte-bébé. Encore plus une fois l’été venu, je doute de l’instinct de survie de mon fils parfois. Moi qui étais déjà pas fan de la poussette j’ai tenté une fois le trajet avec et pas plus. Je me suis tâtée plusieurs fois à en prendre une plus confortable pour ma taille et qui passe mieux les trottoirs mais du coup le temps a passé et on a fait sans. Au final on s’en est encore moins servi que pour Messire je crois.

Les horaires des premières semaines d’école de Messire étaient écourtés pour donner le temps de s’adapter, ce qui est franchement une bonne idée. Même après, les gamins ont toujours quelques journées allégées avant une période de vacances et à la reprise. Et une fois passés à plein temps, le lundi et le vendredi ils finissent une heure plus tôt que les autres jours. Au départ je pensais que c’est ces jours-là qu’on pourrait travailler le français ensemble mais presque deux ans après je ne me sens toujours pas capable de gérer ça en même temps que je gère Duchesse. Je n’ai pas réussi à trouver un truc qui puisse le motiver à apprendre à lire et écrire le français de toute façon. Les trains ça peut vraiment pas rivaliser avec le niveau de ce qu’il y a au Japon XD.

A partir du moment où les journées d’école ont duré plus que la matinée, il a fallu se remettre aux bentô. Évidemment c’est une contrainte de le préparer mais on avait déjà l’habitude avec le yochien et je préfère tellement qu’on choisisse ce qu’il y a dedans (et quand je dis on c’est autant Messire lui-même) et pas avoir à me battre au quotidien pour de la mauvaise viande ou une putain de brique de lait (oui le fameux et indispensable lait de vache qui aide à grandir et qui est toujours sur la quasi-totalité des plateaux des écoles publiques, l’allergie étant la plupart du temps la seule raison valable d’en être dispensé).
C’est l’autochtone qui faisait les bentô pour le yochien depuis la naissance de Duchesse, il a continué sur sa lancée comme ça le matin je peux me concentrer sur le petit déjeuner. Le moment où je serai une mère au foyer modèle qui se lève à 5h du mat pour faire des beaux bentô pour tout le monde est pas encore venu :D.

J’ai continué mes promenades du matin dans le quartier pour la première sieste de Duchesse. C’est assez bizarre de se rendre compte que presque deux ans après, alors que ça fait longtemps qu’elle a arrêté la sieste du matin (elle a même arrêté la sieste tout court), il y a des coins où je passais plusieurs fois par semaine et où je ne passe quasiment plus maintenant. La route que je prenais à pied pour aller chez mon petit producteur local par exemple, depuis que je n’y vais plus le matin pendant la sieste je passe par une route différente (surtout que j’y vais en vélo). Ca change tellement vite avec ces petites bestioles !

Pour la sieste de l’après-midi, c’était plus embêtant parce qu’il fallait faire avec les horaires de Messire. Quand il finissait plus tôt je devais endormir Duchesse sur le trajet vers l’école. Vu comment ça piaillait quand on avait rejoint Messire et sa copine ça arrivait souvent qu’elle dorme pas bien longtemps. Et si on pouvait faire la sieste avant d’aller à l’école il fallait faire attention de se réveiller à temps pour partir à l’heure. Et du coup c’était autant pour moi que pour elle parce qu’on faisait la sieste ensemble vu que j’en avais bien besoin. Comme ça elle restait sur moi et j’avais même pas besoin de m’emmerder à essayer de la poser et à risquer de la réveiller 😀

Deux semaines après le début des cours on a eu le droit à la première réunion de parents d’élèves. Avec le Covid l’école avait mis en place de participation en ligne avec Zoom ou Google Meet, et ça m’arrangeait bien parce qu’avec Duchesse c’était pas évident. En fait même s’il y avait pas Duchesse, les gamins peuvent pas rester à l’école pendant qu’on est à la réunion donc je sais pas ce qu’on est supposé en faire à part les laisser seuls à la maison ? En fait à ce jour je suis encore allée à aucune réunion en fait. L’autochtone y est allé deux fois parce que son emploi du temps lui permettait mais moi en ligne ça me va bien même si le son est pas toujours génial.

En avril 2022, c’était les élections présidentielles. Je suis allée au consulat pour les deux tours et j’avais beaucoup d’espoir. Les résultats m’ont vraiment plombé le moral. Même si je ne vis plus en France depuis longtemps et que les mesures du gouvernement n’ont pas d’impact direct sur moi, vu que je ne peux pas voter au Japon je veux faire ce que je peux et j’aimerais que mon pays puisse servir d’exemple mais du coup à part pour repousser les limites du mépris et du foutage de gueule il y a pas grand chose d’autre. Bon du coup pas super optimiste la fin de ce bilan mensuel mais c’est pas de ma faute quand même. Surtout que je vous ai mis plein de photos de fleurs :).

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