Titre japonais : きのう何食べた?
Nombre d’épisodes : 12
Diffusion : Printemps 2019
Chaîne de diffusion : TV Tokyo
Fiche : DramaWiki
Je connaissais de nom le manga Kinou nani tabeta? depuis pas mal de temps grâce à une amie mangavore mais surtout amatrice de bonne bouffe. Si je lisais plus de manga, je me serais sûrement déjà penchée dessus car il se trouve que je connais en plus son auteure : Yoshinaga Fumi a signé entres autres l’excellent Le Pavillon des hommes, dont j’espère trouver le courage de poursuivre un jour la lecture en VO. Mais la plupart du temps, je découvre les manga grâce à leur adaptation en anime ou en drama, et ça a été cette fois encore le cas. J’avais repéré la série lors de son annonce pour le printemps 2019, et j’ai pu constater début 2020 qu’elle avait débarqué sur Prime. Comme ça tentait l’autochtone, on l’a regardé ensemble, et on a bien fait de ne pas tarder car elle n’est déjà plus disponible (c’est ce que je déteste vraiment sur les plateformes de streaming, je ne compte plus le nombre de drama/anime/films que j’ai repérés et que je n’ai pas eu le temps de regarder, il faudrait passer ses journées à ça pour être sûr de ne rien louper…).
Shiro est avocat dans un petit cabinet et vit avec son compagnon Kenji, qui est coiffeur. Son plus grand plaisir dans la vie est de préparer de bons petits plats pour le dîner tout en respectant le budget mensuel serré qu’il s’est fixé. Au fil des épisodes et des délicieux repas, on suit le quotidien du couple et on apprend à connaître Shiro et Kenji. Ils ont des caractères très différents, et aussi une manière différente de vivre le fait de ne pas avoir l’orientation sexuelle considérée comme la norme par la société.
Shiro n’a pas fait son coming out au travail et doit donc jouer le rôle de l’hétéro célibataire. Comme il ne répond pas aux clichés du gay dans ses goûts ou sa manière d’être, il peut facilement faire illusion auprès de ses collègues et de n’importe qui d’autre. S’il a parlé de son homosexualité à ses parents, il ne leur a pas présenté celui qui partage sa vie. C’est lui qui fait l’intendance à la maison, et il est assez à cheval sur l’ordre et sur le budget. Comme j’ai toujours eu un gros faible pour Nishijima Hidetoshi, j’étais ravie de le retrouver dans ce rôle original et de voir en plus qu’il se débrouillait super bien.
De par sa personnalité et sûrement aussi son milieu professionnel, Kenji ne ressent lui pas le besoin de cacher son orientation sexuelle. Plus extraverti que son compagnon, il est aussi plus bordélique et parfois moins raisonnable dans ses dépenses. Qu’il s’agisse du Ryôma de JIN ou d’autres rôles, c’est vraiment le grand écart pour Uchino Masaaki (ou bien Uchino Seiyô comme il faudrait dire depuis qu’il a changé la prononciation de son prénom mais je ne m’y fais pas ^^), mais l’acteur s’approprie complètement le personnage de Kenji. S’il a bien les manières efféminées que l’on prête presque systématiquement aux gays, ça reste très naturel et on est donc loin du gros cliché. Et puis dans tous les cas, un homme qui exprime ses émotions, ça fait du bien :).
Même si je savais que le manga à l’origine du drama Kinou nani tabeta? n’était pas techniquement un boys love, je savais que son auteure en avait écrit. Je n’ai jamais lu de boys love, mais il me semble ne pas me tromper en disant que s’ils mettent en scène des couples homo, ils ne sont pas supposés refléter une quelconque réalité sociale vu qu’ils s’adressent avant tout à un public féminin. J’ai eu l’agréable surprise de constater que la série évoquait en fait de manière très perspicace les clichés et discriminations dont font l’objet les homosexuels au Japon. Épisode après épisode, on peut l’observer dans le quotidien de Kenji et Shiro, que ce soit au travail, en famille, dans des espaces publics, ou à travers l’expérience d’autres couples gays de leur entourage.
Étant fils unique, Shiro culpabilise de ne pas pouvoir se marier et donner des petits-enfants à ses parents comme tous les bons hétéros sont supposés le faire. Si je me souviens bien, c’est une des fois où il se confie sur ce sentiment de ne pas être à la hauteur des attentes parentales qu’il évoque aussi le fait que de nombreux gays font un mariage de convenance et fondent une famille avec une femme pour satisfaire les attentes familiales et sociales. Les parents de Shiro acceptent leur fils tel qu’il est, mais comme tant de gens ils peuvent se montrer maladroits par ignorance ou au contraire n’osent pas poser de question face à la réserve de leur fils. La mère de Shiro est jouée par Kaji Meiko. Son père est dans les premiers épisodes joué par Shiga Kotarô, qui n’a hélas pas pu continuer à cause d’un AVC et est par la suite mort de maladie. Il a été remplacé par Tayama Ryôsei pour le reste de la série ainsi que les épisodes spéciaux.
Shiro et Kenji vont devenir amis avec un autre couple gay, Daisaku et Wataru. La dynamique du couple est assez particulière car Wataru, plus jeune que Daisaku, est assez versé dans le chantage affectif et est d’humeur assez capricieuse. J’ai à peine reconnu Isomura Hayato dans le rôle de Wataru même si je l’avais vu dans Hiyokko, tellement son look et son personnage sont différents. J’étais contente de retrouver Yamamoto Kôji dans le rôle de Daisaku vu que je l’ai toujours trouvé chouette comme acteur. Dans quelques épisodes, on voit également apparaître un autre couple d’amis gays de Kenji et Shiro, cette fois plus âgé qu’eux. A travers leur situation, on évoque le fait que le mariage reste réservé aux couples hétéros au Japon, et j’ai appris pour l’occasion que certains couples homos avaient recours à un procédé légalement très ancien pour tisser entre eux un lien légal qui, bien qu’il soit différent, peut s’avérer utile dans certains cas.
Lors de sa visite quasi-quotidienne chez son primeur de quartier, Shiro va faire la connaissance de Kayoko (Tanaka Misako), une mère de famille qui, comme lui, est à l’affût des bonnes promos pour maîtriser son budget. Leur rencontre assez rocambolesque montre à quel point un homme supposément hétéro peut sembler une menace pour une femme. Et le patron de Kenji (Makita Sports), vieux « séducteur » qui trompe sa femme, ne donne pas non plus une image très reluisante du mâle hétéro de base :D.
Si Kinou nani tabeta? est si rafraichissant par rapport à la majorité de la production drama japonaise, ce n’est pas seulement parce qu’il met en scène un couple gay, mais aussi parce que le couple en question est dans la quarantaine et est déjà formé depuis plusieurs années. Avec leurs caractères si différents, Kenji et Shiro deviennent immédiatement très attachants. C’est vraiment chouette, car les caractéristiques du gay extraverti efféminé et du gay « c’est pas écrit sur mon front » ne sont pas poussées à l’extrême vu que Shiro a aussi des traits de caractère qu’on dirait féminins (l’amour de la cuisine, la gestion du budget et des tâches ménagères) alors que Kenji a aussi des traits qui sont généralement jugés masculins. Et en plus d’évoquer pas mal des choses qui rendent difficile le fait d’être gay dans la société japonaise, le drama soulève aussi des questions pertinentes qui sont il me semble valable pour n’importe quel couple, qu’il soit homo ou hétéro. Au bout du compte, je me suis dit que les relations hétéro étaient tellement normatives qu’en fait, quand on n’avait pas à se préoccuper de la représentation qu’on est supposé se faire du sexe opposé, ou de ce qu’on devait représenter pour le sexe opposé, on allait plus vite à l’essentiel pour se demander ce qui rendait l’autre heureux et ce qui nous rendait heureux en tant que personne, et pas en tant que femme ou homme.
Si le spectateur peu habitué aux drama japonais sera surpris du manque de marques d’affection physique entre les deux personnages principaux, évidemment je n’ai pas été surprise car je sais ce qu’il en est pour la grosse majorité des productions mettant en scène des relations hétéro. J’ai quand même un peu bloqué sur le fait que Shiro et Kenji fassent chambre à part, ou alors c’est une mauvaise déduction de ma part ? On voit toujours la cuisine et le living de leur appartement, très rarement le reste, mais un moment j’ai quand même vraiment eu l’impression qu’il y avait deux chambres. Du coup, ça m’a rappelé l’asadora Kaze no haruka, où un couple cohabitait sans être marié et faisait chambre à part. Il faudrait que je creuse la question, savoir ce qui se cache derrière le fait de ne pas vouloir représenter un couple non marié partager une chambre, car clairement la raison n’est pas religieuse par exemple. Bon, à part ça, dans le dernier épisode, il y a vraiment une scène très chouette d’affection entre Shiro et Kenji, et c’est là qu’on se redit que les acteurs ont vraiment fait du bon boulot ! Par contre, dans l’épisode spécial, il y a une autre scène qui fait un peu vieux cliché de shônen manga donc pour un couple dans la quarantaine et formé depuis plusieurs années j’ai vraiment trouvé ça incongru.
ET LA BOUFFE ALORS ? De ce côté-là, j’ai aussi été conquise dès le première épisode. Contrairement à Hana no zubora meshi, j’ai pu faire sans problème abstraction des éléments culinaires qui ne me plaisaient pas personnellement (le plus souvent, la viande) car les plats préparés par Shiro ont l’air vraiment délicieux. Et ça, c’est grâce à la manière diablement efficace dont ils sont mis en scène. On voit Shiro couper, émincer, assaisonner, faire bouillir, mijoter, saisie à la poêle tous ses ingrédients, tout en énonçant à haute voix les étapes de la recette qu’il prépare. Quand tout est prêt, la vue sur la petite table avec tout ce qui vient d’être préparé donne clairement envie de s’incruster pour le dîner chez Shiro et Kenji. Mais non, la majorité du temps, c’est en tête à tête qu’ils dégusteront leur dîner :). Ca fait tellement chaud au coeur de voir quelqu’un préparer à manger pour celui qu’il aime et les voir simplement se régaler ensemble. Et en plus, on n’a pas cette impression très cliché qu’on aurait si c’était une épouse (surtout si elle est femme au foyer) qui préparait à manger à son petit mari qui rentre tard du boulot (n’empêche que j’adore préparer à bouffer pour mon mari et mon fils et j’assume ;D).
Par contre, je dois quand même avouer que j’ai trouvé le budget fixé par Shiro absolument pas réaliste : 25000 yen par mois pour deux, pour moi ça ne suffit pas. On manque de détails techniques, mais on peut déduire qu’il s’agit des repas pris à la maison, donc les dîners au moins les soirs de semaine et tous les petits déjeuners. Vu les prix des légumes, même avec les super promos du primeur, ça me paraît quand même tendu. Et puis du coup, si tous les autres repas sont pris à l’extérieur, au lieu par exemple de prendre des bentô pour le déjeuner au travail, ça fait péter le budget donc il n’y a pas trop de sens de se restreindre autant à la maison. Et puisqu’on est dans les considérations de ménagère, faire les courses tous les jours et cuisiner des quantités qui suffisent pour à peine plus d’un repas, c’est une p*tain de perte de temps ! Oui je sais, je fous en l’air tout le concept de la série mais bon : Après 8 ans à Tokyo, j’en reviens toujours pas que tant de gens fonctionnent comme ça (surtout maintenant en tant de pandémie, FAITES LE PLEIN DE COURSES BORDEL :D).
Si l’OST de Kinou nani tabeta? ne compte pas des dizaines de mélodies inoubliables, elle remplit très bien son job vu le style tranche de vie de la série. Et puis il y a quand même une mélodie qui reste très facilement en tête, celle de la musique enjouée que l’on entend quand Shiro officie en cuisine. Quand j’ai décidé de préparer une des recettes qui m’avaient donné le plus envie, je l’ai eu automatiquement en fond sonore dans la tête :D. Si je n’ai pas eu de gros coups de cœur pour les chansons de l’opening et de l’ending, elles restent sympa, surtout la première.
Si l’épisode spécial du nouvel an 2020 avait déjà été diffusé au moment où on a regardé le drama, on n’a pas pu le voir directement après le reste de la série car il n’était pas disponible sur Prime. Ce n’est qu’en ce début 2021 que j’ai vu presque par hasard qu’il avait débarqué, séparé en trois partie qui du coup faisaient chacune à peu près l’équivalent d’un épisode normal. Je me demande si c’est juste pour cette plateforme ou bien si ça a aussi été fait comme ça ailleurs. On a suivi ce découpage, comme ça on a pu faire durer le plaisir de se replonger dans l’univers de la série. Le concept de cet épisode spécial est vraiment chouette, parce que cette fois, ce n’est pas Shiro qui est en cuisine :).
Kinou nani tabeta? a au final été un véritable coup de coeur. Le drama est une vraie réussite aussi bien pour son côté tranche de vie que pour son côté culinaire. Tout en restant dans une ambiance légère, il a une dimension sociale très pertinente. Les couples gays sont des couples comme les autres, alors ils devraient pouvoir vivre aussi librement. Une réplique de Kenji m’a vraiment marquée et résume très bien tout ça : Pourquoi je ne pourrais pas parler de la personne avec qui je partage ma vie alors que mon patron parle de sa femme et de ses enfants ?
Évidemment, on a besoin de plus de fictions mettant au premier plan des personnes LGBT pour une question de représentation. Et puis franchement, en tant qu’hétéro, il faut être franchement de mauvaise foi pour ne pas admettre que c’est une excellente occasion de renouveler la romance au sens large au lieu de rester toujours sur les mêmes schéma hétéronormés.
Un long métrage faisant suite au drama a été annoncé pour 2021, et comme c’est toujours le cas je suis quand même un peu méfiante. Ca ne veut pas dire que ça sera pas bien, clairement ça me fera plaisir de retrouver l’univers de la série, mais je ne pense pas que le format apportera quelque chose de plus qu’un autre épisode spécial, ou encore mieux, qu’une deuxième saison !
« Oui je sais, je fous en l’air tout le concept de la série mais bon » ;;
Haha, et je fais semi-partie des gens qui font des courses (presque) tous les jours. Enfin. « faisais ». Forcément, en ce moment, on limite les trajets, donc non. Mais quand je vis seule et qu’il n’y a pas de pandémie, je fonctionne sur un système de: faire le plein de trucs qui durent une fois par semaine ou toutes les deux semaines + courses tous les deux jours. Honnêtement la raison est que je travaille à domicile et ne suis pas quelqu’un de sociable. Si j’ai à manger pour un mois chez moi… je ne sors pas pendant un mois.
Bon mais ma vie n’est pas le sujet de l’article, ce qui fait qu’il n’est pas parfait, mais j’ai néanmoins beaucoup apprécié le lire. Il résume joliment tout ce qui fait l’intérêt et le coeur de cette série touchante que j’ai beaucoup appréciée également ♥
(oh et de rien pour les screencaps)(mais j’ai faim maintenant… en même temps je savais à quoi m’attendre en cliquant sur l’article sur *ce* drama, haha)
Quand j’étais étudiante et que je vivais seule en France, clairement c’était une sortie courses Picard Monop par semaine et à part ça, ça me dérangeait pas du tout de pas mettre le nez dehors sauf quand ma mère et ma soeur venaient le samedi après-midi !
On a tous des conditions et habitudes de vie différentes, mais il y a des trucs vachement prescriptifs au Japon qui ne rendent pas trop service, par exemple quand tu es mère de famille, que tu es donc supposée faire les courses tous les jours en plus de gérer les gosses (genre passer plein de temps au parc avec eux) donc c’est un peu pour ça que ça m’a choquée, même si pour le coup c’était pas un drama avec une famille « classique » 🙂