Titre japonais : おちょやん
Nombre d’épisodes : 115
Diffusion : Automne 2020 – Hiver 2021
Chaîne de diffusion : NHK
Fiche : DramaWiki
Le début du covid ayant pas mal chamboulé le tournage et la diffusion des asadora (et d’autres tournages évidemment mais avec moins d’effets au long terme si les productions sont moins longues et pas diffusées à un rythme quasi quotidien), il a fallu attendre la toute fin du mois de novembre 2020 pour que Yell s’achève et que l’asadora de l’automne prenne la relève, soit deux mois plus tard que d’habitude. Même si cette production s’annonçait classique (histoire se situant autour de la guerre, héroïne inspirée d’un personnage réel), j’avais hâte de voir ce que ça donnait car le premier rôle était tenu par une jeune actrice que j’aimais beaucoup. Même si ce n’était pas l’asadora du siècle, des personnages et un scénario correctement écrits pouvaient donc largement suffire à me satisfaire. Malheureusement, comme je l’ai déjà dit dans mon billet récapitulatif drama pour 2021, ça n’a pas été le cas du tout. Si Ochoyan avait été un drama au format classique d’une dizaine d’épisodes, je n’aurais même pas pris le temps d’en reparler plus en détails ici mais comme je m’autoproclame spécialiste des asadora, je me dois quand même de le faire :). Et même en spoilant un peu plus que d’habitude pour expliquer ce qui m’a tant déplu.
L’histoire de Takei Chiyo, l’héroïne d’Ochoyan, est basée sur celle de la comédienne Naniwa Chieko (1907-1973). Chiyo connaît une enfance difficile qui la prive d’instruction et la force à travailler dès l’âge de 9 ans dans une petite pension du quartier de Dotonbori à Osaka. Dotonbori est le quartier des théâtres et c’est donc là qu’elle va découvrir le monde du spectacle et décider de devenir comédienne. Si elle parviendra à son but après des années difficiles, sa vie personnelle n’aura rien d’un long fleuve tranquille notamment en raison de l’ombre d’un père toxique qui plane toujours sur elle.
Je pensais pouvoir attendre plus loin dans ce billet pour pointer ce qui m’a dérangée dans Ochoyan, mais je m’aperçois qu’en fait ça rend même difficile de dire quelques mots sur les personnages principaux comme je le fais d’habitude pour tous les drama sur lesquels j’écris. En fait, je ne sais pas trop quoi dire de Chiyo, et ce n’est pas vraiment parce qu’il s’est passé un peu trop de temps depuis que j’ai vu la série. Comme beaucoup d’héroïnes d’asadora elle est un peu naïve sur certains points, un peu gaffeuse (son ignorance quand elle débute en tant que comédienne est même peu crédible), mais travailleuse et persévérante, évidemment car elle n’a pas le choix pour s’en sortir. Je l’ai plainte, oui, et certainement beaucoup plus que ce que le spectateur est amené à faire par l’approche choisie par les scénaristes. Mais au final, je ne sais pas quoi dire ce que j’ai pensé du personnage ni de la prestation de Sugisaki Hana, que j’étais pourtant si heureuse de voir choisie pour le premier rôle d’un feuilleton du matin après son rôle de petite soeur de l’héroïne de Toto nee-chan et surtout ses excellentes prestations dans Yakou kanransha puis Idaten. Si je l’avais découverte avec ce rôle je ne pense pas que je l’aurais autant appréciée.
Chiyo naît dans une famille pauvre et perd sa mère très jeune. Son père va se remarier avec une femme nommée Kuriko, qui va fortement contribuer au fait que le père de Chiyo, sous couvert de la placer comme domestique à Ôsaka, va en gros l’abandonner vers l’âge de 8 ou 9 ans mais garder quand même son jeune frère (parce que bien sûr, les garçons c’est mieux). Si après coup on comprend bien l’effroyable dynamique qui mène une femme adulte à voir en une gamine de 9 ans une menace pour son existence et celle de son futur enfant, et même par la suite à la plaindre, la situation n’en est pas moins détestable et Kuriko (Miyazawa Emma) tient bien la palme des méchantes belles-mères.
Si ça s’en tenait à ça, ça irait encore, mais le père de Chiyo, Teruo, est plutôt loin du gentil papa manipulé par une méchante femme même si on essaie un peu de nous le faire croire. Chiyo à peine devenue adulte, celui qui l’a abandonnée va la retrouver et réapparaître à plusieurs reprises parce que ouin ouin, le pauvre il a des dettes car il picole et ne sait pas gérer sa vie mais ouin ouin promis il recommencera pas mais oh comme elle est gentille sa fille, vive la piété filiale ! Il y avait du niveau déjà un an avant dans Scarlet avec le bon à rien de père qui ne voulait que le bonheur de ses filles mais là ça a complètement explosé le compteur et ça n’est pas passé du tout vu la manière dont c’est traité. Tortoise Matsumoto s’évertue pourtant bien à nous faire croire au grand gamin qui a une bonne tête et pas mauvais fond, mais pour moi zéro pitié, zéro excuse et je n’en pouvais plus de le voir. J’ai espéré jusqu’au bout que Chiyo l’envoie chier pour de bon. Je vous dis la réponse car c’est important de comprendre pourquoi c’est si problématique : non seulement non, mais à la fin plusieurs personnages vont même encourager Chiyo à ne pas laisser tomber son père car elle pourrait le regretter. On n’a qu’un père, n’est-ce pas ? Je reviens sur ce point plus tard après avoir fini la présentation des personnages car il y en a d’autres qui posent problème pour un peu les mêmes raisons donc je ne voudrais pas me répéter.
A Dotonbori, le quartier d’Ôsaka où se concentre les salles de spectacle, Chiyo va être amenée à travailler à l’Okayasu, une shibai chaya, les établissements qui s’occupent d’installer les spectateurs et de leur servir à boire et à manger. Même si l’angle est différent, cet univers m’a tout de suite rappelé celui de Warotenka, qui se passe au même endroit à peu près à la même époque. La patronne de l’Okayasu, Shizu, est ce qui se rapproche le plus d’une personne bienveillante dans le drama, et aussi ce qui va le plus se rapprocher d’une mère pour Chiyo. C’était un plaisir de retrouver Shinohara Ryôko dans ce rôle.
Outre Chizu, notre héroïne va rencontrer à Dotonbori plusieurs autres personnes qui vont jouer un rôle dans sa vie. L’une d’elles est Amami Ippei, fils du célèbre comédien comique Amami Tenkai (personnage basé sur celui du comédien Shibuya Tengai premier du nom). Sa mère l’a abandonné et il a une mauvaise relation avec son père, auquel il est pourtant supposé succéder car on est artiste de père en fils, qu’il s’agisse de nô, kabuki, rakugo ou ici de kigeki. C’est amusant de noter que Shigeyama Motohiko, qui joue le rôle de Tenkai, était présent 13 ans auparavant au casting d’un autre asadora, Chiritotechin. Cette fois, c’était lui le fils qui avait une mauvaise relation avec son père auquel il devait succéder dans l’art du rakugo. Et pusique Shigeyama est à la base un acteur de nô, il doit peut-être même faire face à ce genre de problématiques familiales dans la vraie vie !
Autre anecdote intéressante que je n’avais pas relevée lors de mon visionnage par manque de connaissance : le véritable Shibuya Tengai troisième du nom a un petit rôle dans Ochoyan (celui du vigile à l’entrée des studios de cinéma Tsurukame). Je me rends de plus en plus compte de ce genre de petits détails qui relient fiction et réalité dans les asadora ou bien qui relient les différents asadora entre eux, et je trouve ça vraiment chouette.
Ippei va chercher à la fois à se démarquer et à surpasser ce père envahissant en ambitionnant de créer un nouveau style de kigeki et en s’adaptant à l’époque changeante. S’il est loin d’être un ange, le personnage est dans l’ensemble intéressant et m’a donné envie de revoir l’acteur qui l’incarne, Narita Ryô, qui n’en n’était pas à son premier asadora puisqu’il était également présent au casting de Warotenka.
Lorsque notre héroïne va aller à Kyôto pour percer, elle va d’abord gagner sa vie en travaillant au Cafe Kinema, une sorte d’ancêtre des bars à hôtesses que le côté rétro rend un peu plus chic. J’ai eu du mal à m’intéresser vraiment aux personnages qui font leur apparition autour d’elle à ce moment. Le parcours de Chiyo va ensuite l’amener à côtoyer une troupe de théâtre menée par Yamamura Chidori. Là où l’on veut certainement nous montrer quelqu’un qui a un tel talent que peut de gens peuvent la comprendre et qui se montre très exigeante envers les membres de sa troupe, je n’ai vu qu’une personne absolument au comportement abject et sans le moindre charisme qui profite de son autorité pour malmener les autres. J’avais bien aimé Wakamura Mayumi dans les quelques rôles où je l’ai vue mais là le personnage était tellement ridicule qu’il me sortait par les yeux. Je sais bien qu’on n’est pas supposé aimé les personnages méchants, mais là c’était surtout une question de crédibilité. Y’a zéro surprise, on sait qu’elle va être puante. Mais bien sûr, on nous donne une explication qui est supposée justifier complètement son comportement (j’ai oublié quoi tellement c’était peu crédible). Que ça explique, oui, mais que ça justifie, non c’est pas possible. On nous dit juste que les gens qui ont du talent ont le droit de prendre les autres pour de la merde et que ça ne doit pas être remis en question.
Je reste sur le sujet des artistes toxiques pour évoquer le grand rival d’Amami Tenkai, Suganoya Mantarô. Ce supposé génie de la comédie a un comportement plus que discutable avec son entourage mais là encore le talent justifie tout. Il ne faut absolument pas contrarier le maître et tout encaisser. Je n’ai absolument pas réussi à cerner ce personnage joué par Itao Itsuji (présent dans Mare). Il n’est absolument pas drôle, il est juste absurde dans le plus mauvais sens du terme, du coup son supposé charisme on ne le voit pas beaucoup.
Dans la dernière partie de l’histoire, comme cela arrive dans plusieurs asadora d’époque, la fiction rejoint la propre histoire de la NHK et on nous montre un peu l’univers des feuilletons radiophoniques, qui sont un peu les ancêtres des asadora. On peut retrouver deux acteurs présents dans plusieurs autres feuilletons du matin, Namase Katsuhisa et Tsukaji Muga. C’est certainement un des moments les plus intéressants du drama et on regrette qu’il n’y en ait pas eu plus avant.
Ochoyan a donc un très gros problème avec son traitement des personnages toxiques qui polluent le scénario quasiment d’un bout à l’autre. C’est pas le problème de savoir qu’à l’époque il y avait plein de gens comme le père ou la belle-mère de Chiyo et que les standards ont changé aujourd’hui. C’est pas le problème de savoir que Naniwa Chieko a véritablement rencontré un paquet de connards dans sa vie aussi bien pro que perso. Le fichu mythe du génie à la personnalité exécrable, quel que soit le domaine artistique, il perdure malheureusement encore trop aujourd’hui et ce n’est pas ce drama qui l’a inventé. Mais il y a une question de degré, quand c’est trop c’est trop. Quand le scénario se réduit à savoir à chaque nouvel arc à quel moment le père va débarquer on quel autre personnage va pourrir la vie de l’héroïne c’est juste que ça ne fonctionne pas. Et surtout, il y a une manière de présenter les choses, on est dans une fiction, pas dans un documentaire, on peut en prendre des libertés et les asadora le font très bien quand ça les arrange. On a en plus un narrateur (cette fois c’est le conteur de rakugo Katsura Kichiya, présent dans plusieurs asadora) donc on peut lui faire dire des choses, lui faire montrer de l’empathie, questionner le comportement de certains personnages même par quelques mots. On peut aussi avoir au moins un personnage à un moment qui pense qu’il faut dire stop, même si au final il n’est pas écouté. On est dans les années 2020, on ne devrait plus voir des comportements comme ça normalisés, même dans des fictions historiques. Et je sais que je vois ça avec mon regard d’occidentale, mais cette carte-là non plus n’excuse pas tout, je peux encore plus le dire maintenant que j’ai vu l’asadora du printemps 2024, Tora ni tsubasa, qui lui en fait un paquet pour dénoncer des trucs problématiques.
Comme c’est souvent le cas, le temps m’a fait oublié l’OST d’Ochoyan. Je ne pense pas qu’il était plus mauvais qu’un autre, mais vu la maladresse de l’écriture à bien des moments ce n’était clairement pas le scénario qui pouvait mettre la musique en valeur avec de grands moments d’émotion. Enfin si l’exaspération est une émotion ça ne marchait pas en tout cas :D. Ce qui est certain, c’est que la chanson de Hata Motohiro utlisée dans l’opening est bien chouette. Je ne sais pas si on peut dire que si ça sauve les meubles ou bien si c’est dommage. Peut-être qu’avec une chanson que je déteste j’aurais arrêté de regarder le drama :D.
Des séries qui ont des défauts, j’en ai vu. La plupart du temps, je ne vois pas de raison de leur casser inutilement du sucre sur le dos. Mais ça ne peut décidément pas être le cas avec Ochoyan. Je ne demandais pas quelque chose qui révolutionne le genre, mais juste que ça soit à la hauteur de l’actrice principale et dans la moyenne des productions de ces 10-15 dernières années. Un scénario qui se renouvelle de manière convenable jusqu’à la fin même si tous les arcs ne se valent pas forcément, et assez de personnages secondaires sympathiques. La mission n’est clairement pas remplie. Je ne peux pas non plus prétendre que tout est à jeter dedans, mais je ne peux clairement pas conseiller le drama, que vous ayez déjà vu plusieurs asadora ou que vous souhaitiez découvrir le genre.
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