Titre japonais : Woman
Nombre d’épisodes : 11
Diffusé en : Eté 2013
Chaîne de diffusion : NTV
Fiche : DramaWiki
Au moment de l’annonce puis de la diffusion de Woman, j’avais déjà vu plusieurs drama scénarisés par Sakamoto Yûji, mais sans vraiment faire de lien entre eux. Saikou no rikon et Soredemo ikite yuku étaient bien sur ma liste, mais je n’avais pas encore franchi le pas qui allait me faire tant apprécier l’écriture de celui qui est pour moi un scénariste clé du petit écran japonais de ces 10-15 dernières années. Cela ne m’a quand même pas empêchée en voyant l’affiche du drama de faire immédiatement le rapprochement avec Mother, vu la similitude de la police d’écriture et du style de photo utilisés. Lors de mon passage en revue des drama diffusés en 2013, j’avais déjà expliqué que j’avais vu des extraits de la série pendant sa diffusion et que je craignais qu’elle exagère un peu trop son côté dramatique. Mais j’avais déjà eu des échos positifs une fois la diffusion terminée, et j’en ai eu d’autres depuis le temps.
Après avoir eu le déclic Sakamoto, j’ai laissé Woman de côté quelque temps car elle s’annonçait chargée en émotion et j’ai préféré regarder d’abord trois autres drama faits ultérieurement par le scénariste : Itsuka kono koi wo omoidashite…, Mondai no aru restaurant et Quartet. Alors oui, au bout du compte, le deuxième est aussi très chargé, mais l’humour très présent fait un peu diversion :). Lorsque la série m’a été suggérée pour mes dix ans de drama japonais, je me suis dit que je ne devais plus attendre plus longtemps. Surtout qu’un autre drama dans la même lignée a été diffusé pendant l’hiver 2018 ! Woman avec son été éternel a donc fait partie de la poignée de drama que j’ai vus en 2018. Mon intro a encore une fois été inutilement longue, mais ça m’aide toujours à mettre de l’ordre dans mes idées de faire une petite remise en contexte :).
Depuis la mort de Shin, son mari, Koharu doit subvenir seule aux besoins de ses deux jeunes enfants. Elle enchaîne les emplois à temps partiel ingrats et vit dans une grande précarité. Contre toute attente, sa mère, partie il y a 20 ans en la laissant avec son père pour se marier avec un autre homme, va réapparaître dans sa vie et se dit prête à l’aider financièrement.
C’est Mitsushima Hikari qui tient le rôle de Koharu. Avec Soredemo... avant et Quartet après, cela fait donc trois rôles pour l’actrice dans un drama scénarisé par Sakamoto. Ces rôles sont très différents, c’est donc difficile de les départager, mais il est quand même tentant de retenir celui de Koharu, tellement l’actrice porte l’intensité émotionnelle et dramatique du drama Woman. Comment qualifier Koharu ? De forte, de courageuse, d’admirable, de déterminée, de mère qui se sacrifie ? Le choix de manque pas. Mais ce qui importe au bout du compte, c’est qu’elle est tellement vraie. Vraie dans son amour pour ses enfants, dans sa détresse face aux épreuves qui se succèdent, dans sa douleur face à un deuil qu’elle ne peut faire, dans sa peine de ne pas avoir pu être aimée telle qu’elle était par sa mère.
Nozomi, la fille aînée de Koharu, a 5 ans au début de l’histoire. Contrairement à son jeune frère Riku, elle se souvient de son père et partage donc avec sa mère la souffrance de ne plus l’avoir à ses côtés. Ce deuil et les difficultés rencontrées au quotidien par sa mère vont la faire sortir bien vite de l’innocence de la petite enfance. La petite Suzuki Rio (l’héroïne d’Asa ga kita enfant) est franchement convaincante, et j’ai complètement craqué sur le petit Riku (Takahashi Rai, qui a joué par la suite le petite frère de l’héroïne de Hiyokko), plus proche en âge de mon propre petit monstre. Riku n’est pas très verbal mais il est très sensible et sait bien se faire comprendre. Les scènes du quotidien mère/enfants sont extrêmement crédibles, ce qui n’a rien d’évident avec de si jeunes enfants.
En rencontrant Sachi, la mère de Koharu, on essaie de comprendre pourquoi et comment elle a pu partir en laissant sa fille de 8 ans et refaire sa vie sans se préoccuper d’elle. Si elle parait effectivement très dure, la réalité est bien plus complexe. Je pourrais dire tellement sur le personnage, mais ça serait trop bête tellement c’est fascinant de voir tout ce qui transparaît quand elle est avec Koharu, avec sa deuxième fille Shiori, ou même avec les enfants de Koharu. Confier ce rôle de mère qui a quand même des similarités avec celui qu’elle avait dans Mother à Tanaka Yûko semblait quand même un pari risqué, mais l’actrice est tout simplement formidable.
Shiori ne va pas voir d’un bon oeil l’intrusion de sa demi-soeur inconnue dans la vie de ses parents. Derrière ses apparents caprices d’adolescente attardée, elle cache un profond mal-être. Sa relation avec sa mère se révèle petit à petit, en contraste avec celle que cette dernière a eu dans le passé avec Koharu et a de nouveau depuis leurs retrouvailles. J’ai découvert Nikaido Fumi dans Mondai no aru restaurant dans un rôle vraiment très différent. Elle est vraiment épatante et j’ai hâte de la revoir. Je compte bien voir son nom à nouveau dans un des futurs drama de Sakamoto !
Uesugi Kentarô (joué par Kobayashi Kaoru, l’inoubliable Master de Shinya shokudô , le mari de Sachi et le père de Shiori, fait tout ce qu’il peut pour que Sachi puisse se réconcilier avec sa fille aînée. Il va prendre sous son aile Nozomi et Riku. La petite fille va le surnommer Namakemono-san (monsieur Paresseux) : s’il est en théorie tailleur, son affaire n’est pas florissante et c’est Sachi qui subvient aux besoins de la famille. Le couple formé par Kentarô et Sachi prend une autre dimension quand on apprend dans quelles circonstances exactement Sachi a quitté Koharu et son père.
C’est Oguri Shun qui incarne Shin, le mari et le père dont l’absence est d’autant plus déchirante que les circonstances de sa mort sont obscures. On voit Shin dans de nombreux flashbacks, on nous montre sa rencontre avec Koharu et pas mal d’autres choses qui permettent de se faire une idée de qui il était et quel couple il formait avec Koharu.
Lors de ses démarches pour tenter d’obtenir l’aide des services sociaux, Koharu va rencontrer Sunagawa, qui va se montrer moins insensible à la situation de la jeune femme que son supérieur. Sunagawa (joué par Miura Tomohiro, le fils de Miura Tomokazu) est marié à Aiko (Tanimura Mitsuki), une interne en médecine, à qui il reproche de ne pas s’investir dans l’éducation de leur jeune fils. A travers cette famille, le drama dénonce les attentes complètement inégales selon qu’on est une mère ou un père. Aiko est tout de suite taxée de mère indigne, alors que son comportement est normal pour un père standard. Même s’il manque quelques données par rapport à l’histoire du couple et aux motivations d’Aiko, ça met le doigt où ça fait mal et au final ça m’a fait surtout de la peine pour le petit garçon.
A son emploi de jour au pressing, Koharu va faire la connaissance de Yuki, qui est comme elle mère célibataire et qui va choisir une autre « alternative » pour faire face à ses difficultés. Le rôle est tenu par Usuda Asami, qui fait aussi partie de la poignée d’acteurs et actrices que l’on retrouve dans les drama scénarisés par Sakamoto vu qu’elle a joué ensuite aux côtés de Nikaido dans Mondai no aru restaurant. Le dernier personnage que je mentionnerai est lui aussi joué par un acteur de la team Sakamoto : Takahashi Issei est Sawamura, le médecin qui supervise Aiko. Il donne une super bonne image du métier, parfois ça fait du bien.
Alors, au final, est-ce que Woman n’est qu’un tire-larmes qui en fait trop ? Non, pas le moins du monde. Mis dans son contexte, l’élément clé qui avait réussi à me faire penser que Sakamoto avait peut-être eu la main trop lourde côté malheurs pour son héroïne prend tout son sens. Parce que déjà, oui, dans la vraie vie, il y a des gens qui en chient parce qu’ils cumulent toutes sortes de « problèmes » (je mets des guillemets parce que le terme est pas non plus super approprié mais je n’ai pas trouvé mieux). Et surtout, parce que cet élément est lié à tout le reste et devient un véritable fil conducteur si on peut dire. Parce qu’il permet de nous dire plein de choses sur Koharu et ses proches. Parce que Koharu n’est pas du tout présentée comme une martyre.
Woman est incroyablement riche dans les thèmes qu’il aborde et tellement juste dans la manière dont il le fait. C’est vraiment délicat de parler de ses personnages car leur passé et leurs interactions sont la clé de voûte de l’histoire, c’est tout aussi délicat de parler d’un événement isolément car tout se rejoint à partir de cet été où Koharu va revoir sa mère. Si on a bel et bien une histoire complètement basée sur les relations humaines, il y a presque du suspense au moment où tout le passé est évoqué et où l’avenir se joue.
Comme dans ses autres drama, Sakamoto met en lumière sans prendre de pincettes un certain nombre de questions de société. Des conditions complètement aberrantes pour obtenir une aide des services sociaux aux gens qui n’ont aucune considération quand on est dans les transports en commun avec des jeunes enfants, en passant par les contraintes de la crèche, la pénibilité d’emplois cumulés mal payés, la description du quotidien d’une mère isolée au Japon (j’ai du mal à dire célibataire, ça donne toujours l’impression que c’est un choix) est aussi amère que juste. A travers la mort de Shin, différentes facettes d’un problème qui n’est pas exclusif au Japon mais y prend une forme toute particulière comme souvent sont aussi évoquées. Le harcèlement scolaire pointe sans surprise lui aussi le bout de son nez. Et puis à travers chaque personnage ou presque, les relations familiales sont omniprésentes. Couples, parents, enfants, petits-enfants… Et Koharu est au milieu de tout ça.
J’ai rarement (jamais ?) vu dans une série japonaise autant d’authenticité dans la présentation de la relation d’une mère avec ses deux enfants, et j’y ai clairement été plus sensible que si j’avais vu le drama lors de sa diffusion (je ne dis pas qu’on ne peut pas comprendre si on n’a pas d’enfant, mais clairement pour moi de ce point de vue il y a un avant et un après, même si l’avant est devenu bien vague). L’existence de ses deux enfants complique la situation de Koharu, mais ils donnent un sens à sa vie. Elle les accepte comme ils sont, avec leur dépendance totale. Ils sont présentés comme des personnes à part entière, pas comme des choses mignonnes mais un peu dérangeantes. La relation de Koharu avec sa mère contraste totalement avec celle qu’elle a avec ses enfants. Les scènes successives entre Koharu et Sachi sont un véritable fil conducteur. L’ambiance est toujours à la fois si calme et si tendue. Là où tant de fictions japonaises brandiraient l’étendard de la piété filiale, il n’y a pas de pardon automatique, et se réconcilier ne peut pas signifier tirer un trait sur le passé.
Il arrive un moment dans le drama où on se doute comment l’histoire va se terminer, et ce qui semble d’abord être une solution de facilité se révèle en fait la meilleure manière de faire aboutir le parcours des personnages principaux. S’il y a bien sûr des moments particulièrement forts dans Woman, l’écriture est maîtrisée d’un bout à l’autre. Il n’y a rien de trop, chaque épisode fait avancer un peu les choses d’une manière ou d’une autre. On retrouve la petite manie de Sakamoto d’utiliser un objet tout à fait anodin pour lui donner une forte valeur symbolique : il s’agit cette fois des nashi (poires chinoises), un des fruits de l’été par excellence.
Si le drama est aussi intense, c’est aussi grâce à sa réalisation. Le rythme des images, les plans, la lumière, tout contribue à sublimer des paysages tokyoïtes ordinaires et à créer une ambiance de quotidien et d’été très intense. Les passages à niveau du tram, les petites rues, le sanctuaire du quartier, et surtout la maison des Uesugi donnent l’impression au spectateur d’être dans le drama. La salle à manger, le jardin, la cuisine où Koharu et sa mère ont presque toujours leurs conversations, ont une atmosphère si forte !
L’OST de Woman n’a rien du tout de déplaisant mais est très classique en son genre. Au bout du coup, c’est très bien qu’il se fasse discret pour laisser la place aux dialogues entre les personnages. Mais il y a quand même un morceau qui se démarque et qui symbolise à lui seul le drama parce qu’il a un lien direct avec l’histoire. Il s’agit d’un arrangement du 2ème mouvement de la symphonie n°9 de Dvorak. Et je le connaissais non pas parce que j’ai une culture musique classique impeccable (mais je connaissais le 1er mouvement, beaucoup plus célèbre il me semble), mais parce que je l’ai entendu dans des circonstances similaires à celles de Koharu et Shin. La chanson thème du drama est un titre du groupe androp. Elle a un rythme très entraînant et peu au départ paraître presque trop enjouée mais au bout du compte elle convient parfaitement parce que malgré ses thèmes très durs, Woman n’est pas un drama qui plombe le moral juste pour le plaisir de le faire. Cette chanson est une manière supplémentaire de montrer une touche d’espoir et d’optimisme. Car après tout, Koharu a été capable avec Shin de donner l’amour et l’affection que ni elle ni lui n’ont vraiment reçus.
Je suis loin d’être toujours complètement satisfaite des billets que j’écrit sur une série, ce n’était pas la première fois que j’avais du mal à en rédiger un mais là ça a atteint des sommets ! Même si j’avais décidé de révéler plus l’intrigue, il y a tant à dire que ça serait parti dans tous les sens ! (Voyez comme je suis forte pour trouver des excuses à mon incompétence :D). Si je n’ai pas réussi à vous convaincre, lisez l’excellent article de Ladyteruki sur le premier épisode de Woman. Si vous n’êtes pas sensibles aux spoilers, elle a également fait un super article sur l’intégralité du drama.
Même si c’est éprouvant émotionnellement ça fait tellement de bien de voir un drama si sincère, si direct dans les sujets qu’il aborde, et au final si débordant d’amour. Et c’est tellement super de se dire que c’est un homme qui décrit ces relations familiales, surtout celles entre mères et filles, avec tant de justesse ! Je suis plus que jamais en admiration devant le travail de Sakamoto, ainsi que devant le travail de la poignée d’acteurs récurrents dont il s’entoure. Et que ce soit sur NTV ou sur Fuji TV, les équipes de production font un sacré boulot pour mettre en images son univers. Maintenant, j’ai à moitié envie de revoir Mother mais je ne sais pas si j’arriverais à encaisser. Dans tous les cas, il y a Anone qui m’attend !
J’ai tellement de dramas de ce scénariste à voir !
On peut pas se lancer facilement dedans comme dans une petite comédie romantique ou même une série d’enquête mais ça vaut tellement le coup ! J’ai hâte de voir ce qu’il va faire dans les prochaines années :).
J’ai pu ce drama et j’ai vraiment beaucoup apprécié le suivre, l’histoire est belle et traitée avec beaucoup de sensibilité. Du même scénariste, j’ai également beaucoup aimé Itsuka kono koi wo omoidashite kitto naite shimau. Merci pour votre partage .
Je suis heureuse de savoir que vous appréciez aussi l’univers de Sakamoto Yûji ! Ses autres drama récents devraient beaucoup vous plaire aussi 🙂